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La notation alternative
Le paradoxe de la note Pour les enseignant-es comme pour les personnes étudiantes, la notation est une source constante de stress, de compétition et de frustration. Si beaucoup la considèrent comme un mal nécessaire, la recherche en éducation révèle des vérités surprenantes sur ses véritables effets. Le cœur du problème réside dans un paradoxe fondamental…
La notation alternative
Introduction : Le paradoxe de la note
Pour les enseignants comme pour les étudiants, la notation est une source constante de stress, de compétition et de frustration. Si beaucoup la considèrent comme un mal nécessaire, la recherche en éducation révèle des vérités surprenantes sur ses véritables effets. Le cœur du problème réside dans un paradoxe fondamental : l’évaluation poursuit deux finalités souvent contradictoires. D’une part, elle doit soutenir les apprentissages et, d’autre part, témoigner des acquis à des fins de certification. Or, la notation traditionnelle tend à survaloriser la certification au détriment du soutien, transformant l’évaluation en un simple acte de classement. Cet article explore cinq révélations contre-intuitives, basées sur les principes des Pratiques Alternatives de Notation (PAN), qui pourraient bien transformer votre perspective sur ce paradoxe.
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1. La note n’est pas un moteur, c’est un frein à la motivation.
L’idée reçue veut que les notes motivent les étudiants à travailler. Pourtant, la recherche établit une distinction claire entre la motivation extrinsèque (agir pour une récompense comme la note) et la motivation intrinsèque (agir par plaisir et intérêt personnel). Les études sont formelles : la notation nuit à la motivation intrinsèque. Elle transforme l’apprentissage en une tâche à accomplir pour un résultat chiffré, un effet particulièrement démotivant pour les personnes en difficulté.
Au contraire, les Pratiques Alternatives de Notation (PAN) favorisent le développement de la motivation autonome. Selon la théorie de l’autodétermination, cette forme de motivation supérieure est nourrie par la satisfaction de trois besoins psychologiques fondamentaux : le sentiment de compétence, l’autonomie et le sentiment d’appartenance (relatedness). Les PAN répondent à ces trois besoins. En permettant la reprise et en se concentrant sur le progrès, elles renforcent le sentiment de compétence. En offrant des choix, elles cultivent l’autonomie. Enfin, en transformant l’enseignant en mentor plutôt qu’en juge, elles renforcent le lien élève-professeur et comblent le besoin d’appartenance, plaçant ainsi le désir d’apprendre au cœur du processus.
2. Pour qu’une rétroaction soit lue, elle ne doit pas être accompagnée d’une note.
En tant qu’enseignants, nous passons des heures à annoter les travaux, espérant que nos conseils guideront les étudiants. La réalité est souvent décevante. La recherche, notamment celle citée par le Conseil supérieur de l’éducation (2018), montre que la valeur informative de la note seule est « très pauvre ». Plus surprenant encore : la simple présence d’une note empêche les étudiants de porter une réelle attention à la rétroaction qualitative.
La charge émotionnelle provoquée par la note est si forte qu’elle monopolise l’attention, poussant l’étudiant à ignorer les conseils destinés à le faire progresser. Mais cette dynamique affecte aussi l’enseignant. Dans un système traditionnel, celui-ci se sent obligé de « justifier pourquoi est-ce qu’on enlève des points », se plaçant dans une posture de notation défensive. En dissociant la rétroaction de la note, l’enseignant se libère de ce fardeau et peut offrir un guidage pur, tourné vers l’avenir plutôt que vers la justification du passé.
« I really liked the feedback rather than a letter grade because it forced me to actually read the comments » (O’Connor et Lessing, 2017, p.315, cité dans Girouard-Gagné et al., 2024).
Cette stratégie simple transforme la rétroaction qualitative pour qu’elle serve enfin son but : soutenir l’apprentissage.
3. L’erreur n’est pas une faute à sanctionner, mais une partie de l’apprentissage.
La notation traditionnelle traite chaque erreur comme une faute définitive qui vient pénaliser la note finale. Cette approche transforme le rôle de l’enseignant en celui d’un juge qui sanctionne. Il se retrouve alors dans une posture défensive, contraint de justifier chaque déduction de points, ce que la recherche nomme le « defensive feedback ».
Les PAN proposent un changement de paradigme fondamental : le rôle de l’enseignant n’est plus de sanctionner, mais de guider. Ce système repose sur le principe de laisser place à l’erreur sans pénalité durant le processus d’apprentissage. Pour y parvenir, plusieurs stratégies sont possibles : offrir des occasions de reprise ou de révision des évaluations, ou encore ne tenir compte que des « traces les plus représentatives des apprentissages réalisés » pour composer la note finale. L’erreur n’est plus une fin en soi, mais une étape nécessaire, libérant l’enseignant pour qu’il puisse agir en véritable mentor. Comme le rappelle la recherche :
« la plupart des membres du corps professoral […] trouvent que l’erreur est une partie intégrante du processus d’apprentissage » (Astolfi, 2015).
4. Calculer la moyenne est l’une des pratiques les moins équitables.
Le calcul de la moyenne arithmétique des notes semble être le summum de l’objectivité. En réalité, c’est l’une des pratiques les moins équitables. Son principal défaut est de pénaliser de façon permanente les erreurs commises en début de parcours, même si l’étudiant finit par maîtriser parfaitement les objectifs. Cette méthode désavantage particulièrement les personnes qui connaissent « un début lent ou difficile » ou celles qui sont moins bien préparées par leur parcours antérieur.
L’exemple d’Alice et Bob illustre parfaitement ce biais. Alice rate son premier examen (0 %) mais travaille fort et maîtrise la matière à la fin de la session (100 %). Bob, lui, maintient un niveau médiocre mais constant (60 % à chaque évaluation). Avec un calcul de moyenne simple, ils obtiennent tous les deux la même note finale (60 %). Or, la note finale ne devrait pas refléter le parcours, mais la maîtrise terminale. Comme le formule parfaitement la recherche, avec la moyenne, « sa note dépendra beaucoup de son parcours, et pas seulement de son degré de maîtrise des objectifs terminaux ».
5. Supprimer les notes ne crée pas le chaos, mais peut générer… un nouveau type de stress.
L’une des plus grandes craintes des enseignants face à l’abandon des notes est la peur du chaos et du désengagement. Les sources indiquent non seulement que les étudiants continuent de travailler, mais que leur motivation intrinsèque augmente.
Cependant, une nuance importante et contre-intuitive apparaît : pour des étudiants habitués depuis des années à être évalués par des chiffres, l’absence de ces repères peut être une source d’inconfort, d’incertitude et même de stress au début. Cette réaction est normale et ne doit pas être interprétée comme un échec de la méthode. Elle est attribuable à « la nouveauté de la formule » et constitue une étape prévisible d’un profond « changement de culture ». Ce constat rassurant souligne l’importance cruciale pour l’enseignant de communiquer très clairement les nouvelles attentes, de fournir une rétroaction de qualité et d’encadrer les étudiants dans ce nouveau rapport à l’évaluation.
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Conclusion : Et si on posait la bonne question ?
Les Pratiques Alternatives de Notation ne visent pas à éliminer l’évaluation, mais à la rééquilibrer pour qu’elle remplisse mieux ses deux finalités. En se concentrant d’abord sur sa fonction première — soutenir les apprentissages —, elles permettent de témoigner de manière plus juste et plus équitable de ce que les étudiants ont réellement maîtrisé. Le but n’est plus de classer ou de sanctionner, mais de guider et de certifier une maîtrise réelle.
En fin de compte, ces révélations nous poussent à nous poser une question fondamentale pour transformer notre enseignement : et si la question la plus importante n’était pas « quelle note as-tu eue ? », mais plutôt « qu’as-tu appris ? ».